
Très vite, elles seront également embarquées plus ou moins malgré elle aux changements du Congo : Lumumba réclamant l’indépendance par rapport au Congo, l’arrivée sanglante de Mobutu au pouvoir…
Un pays en effervescence. Où pourtant, rien, réellement, ne change pour les habitants des coins reculés.
Le livre est construit à plusieurs voix : les 5 femmes témoignent chacune leur tour. 5 voix différentes, 5 regards, 5 sensibilités. Des personnages attachants jusque dans leurs pires défauts.
Rachel, la jeune américaine, belle, et délicate. Séductrice et superficielle. Qui ne cherche qu’à s’en sortir le mieux possible.
Leah, l’intrépide, l’indépendante, la chasseresse. Celle qui aimera l’Afrique du plus profond de son être. Sauvage et survivante.
Adah, la déformée, l’handicapée, la muette. Qui analyse tout. Prend toujours du recul. Se réfugie dans les textes, la poésie.
Ruth May, la toute petite, la mignonne, l’insouciante, la sociable, l’étincelante.
Orleanna, la mère. La protectrice, celle qui abandonne aussi. Celle qui se débat. Tantôt lâche tout, tantôt se redresse. Survit.
Barbara Kingsolver réussit là un roman dense, palpitant, humain, poétique, drôle, intense, réaliste, historique… Une telle richesse pour un livre qu’elle aura mis 30 ans à écrire (« pour atteindre la sagesse et la maturité nécessaire »). Elle a été en Afrique, et l’a aimée tout autant que crainte. Et elles s’est documentée. Faisant de ce livre à la fois un roman fiction juste et prenant et un documentaire humain sur la politique au Congo-Zaïre. Elle n’hésite pas à dénoncer.
Un livre à la fois différent de L’arbre aux haricots et des Cochons du Paradis, mais pas si éloigné non plus. Peut-être plus « sérieux ». Plus dense. Mais on retrouve parfaitement le style Kingsolver. La facétie dans le pire. La légèreté qui dénonce. Des portraits féminins d’une justesse impressionnante (encore une petite fille muette…). Un regard humain sur le monde et ses fonctionnements. La rébellion.
1ère édition : 1998
Éditions Rivages Poche (ré-édition 24.09.2014)
Et pour aller plus loin : L’arbre aux haricots – Les cochons au Paradis