Après le succès du livre La Soustraction des possibles, largement défendu à la librairie, Joseph Incardona nous présente Les Corps solides. Anna, maman de Léo, galère dans la vie et vend des poulets dans un camion rôtisserie jusqu’au jour où elle a un accident de la route. L’assurance ne l’indemnisera pas en raison de son refus de se faire tester pour prise de stupéfiants.
Hélène est le profil type de la femme qui a réussi : un boulot très bien rémunéré, un mari de la même catégorie socio-professionnelle qu’elle, des enfants, une belle maison… sauf qu’il y a des fêlures. Après un burn-out, elle emmène toute sa famille en Province, retour à Nancy, proche des petites bourgades où elle a passé son enfance. Tout semble allait mieux. Mais au fond, tout est pareil.
Christophe, lui, n’est jamais parti. Il s’est mis en couple avec sa copine de lycée, après quelques années et un enfant, elle l’a quitté. Il vit tranquillement, au jour le jour, de son job de commercial, à voir son gamin autant qu’il le peut, à s’occuper de son père qui perd pied, à boire des coups avec les potes de toujours.
Joe Lampton n’en peut plus de sa petite ville mortifère, Dufton. Ville ouvrière en plein déclin depuis que l’usine qui faisait vivre les 3/4 de la ville a fermé. Tout lui semble gris, sans avenir, les gens y sont pour lui des « zombis » dénués de cette vie qu’il sent encore vibrer en lui. Il décide de partir à Warley, où il a décroché un poste de fonctionnaire. Son but : se faire un nom, connaître l’opulence, fréquenter la haute bourgeoisie.
Un père et ses deux fils. Une vie tranquille, avec ses malheurs, ses petits bonheurs, sa routine. Une vie quand même, où déjà, il faut se battre, résister, affronter. Le deuil de l’épouse, de la mère. Les factures pas toujours faciles à payer. Le coin (en Lorraine) où la vie et l’activité disparaissent.
Mais ce père et ses deux fils, cette petite famille, tiennent. Solidaires, proches, taiseux souvent mais dans le partage.
Jusqu’au
jour où le père apprend que l’aîné, Fus, a été vu avec un groupe
d’extrême droite. Il n’y croit pas tellement le père, c’est une erreur.
Lui toujours de gauche, lui qui a amené ses fils tracter avec lui quand
ils étaient jeunes, eux qui ont toujours connu les ouvriers, les
employés, les cégétistes… Fus esquive, noie le poisson. Sauf que, oui, ils traînent avec ces gens. Ils collent aussi des affiches de Le Pen un peu partout.
Les années 80. Cléo, 13 ans, d’une famille modeste, pratique la danse
dans une MJC. Évidemment qu’elle rêve de s’échapper de sa ville de
banlieue, évidemment qu’elle rêve de gloire, de sortir du lot. Mais
est-elle assez douée, assez déterminée, pas trop mate ? Quand Cathy,
belle femme, gracieuse, charmeuse, élégante, l’aborde et lui parle d’une
bourse à laquelle elle pourrait avoir droit, pour intégrer une école
spéciale, où tous les jeunes de talent peuvent réaliser leurs rêves,
Cléo est fascinée, happée, et prête à tout ce qu’elle peut pour séduire
le jury.
À coups de petits cadeaux et de pression, Cathy
l’entraîne dans un univers où les faveurs se monnayent, du temps contre
un billet, un frôlement de genou contre un billet supplémentaire.
Le
roman va se dérouler sur presque 40 ans, déroulant et dévoilant
habilement des pans de la vie de Cléo, mais vus à travers les yeux de
celles et ceux qu’elle a croisé, à des moments charnières de son
existence. On découvre ainsi, à la fois, la vie de cette jeune
fille, puis de l’adulte, les étapes franchies, les rencontres
déterminantes, les blessures apparentes, le mutisme. Cléo toujours
accrochée à son rêve de danseuse, qui en connaîtra la discipline jusqu’à
meurtrir le corps, le travail jusqu’à l’esclavagisme. Une femme qui va tenter de s’oublier, mais qui laissera des traces bouleversantes chez ceux et celles qu’elle va croiser.