mirois de suzanne sophie lemp allarySuzanne est autrice. Mais elle n’écrit plus tellement, elle n’est jamais venu à bout de « son grand roman », elle écrit des textes de commande. Elle a une vie tranquille, un mari, deux filles. Quarante ans.
Un matin, elle découvre son appartement cambriolé. Encaissant plus ou moins le choc, elle réalise que la jolie boite dans laquelle elle avait rangé tous ses journaux d’ado et de femme, celle où elle racontait sa Grande Histoire d’Amour, ont disparu.
Elle a peur, alors, d’oublier. Suzanne, qui avait un peu enterrée cette histoire au fond d’elle-même, a peur du trou que cela va ouvrir en elle si elle ne garde pas une trace écrite de cette autre vie.
Elle décide alors d’écrire ce roman qu’elle a toujours repoussé. De se replonger dans l’ado et la jeune adulte qu’elle a été. Dans cette vie où elle a été la jeune maîtresse d’un grand écrivain, la femme de l’ombre. Cette période où tout était brûlant, passionnel, déchirant.
Quitte à bouleverser son existence et celle de sa famille.

En parallèle, les journaux sont trouvés dans une poubelle par Martin, un jeune homme, livreur à vélo de plats préparés. Il vit reclus, solitaire, dans une petite chambre de bonne, dans un immeuble de quartier populaire, où les gens se saluent, partagent parfois un verre, mais laisse les autres à leurs secrets et leur solitude.
Martin a tout abandonné, ses études d’art, sa famille, ses amis.
Les journaux de Suzanne, sa façon de raconter son Amour, va le sortir peu à peu de son univers cloisonné.

Un très beau roman, très doux, très juste dans le rapport pudique, délicat, précieux, mélancolique, à ses propres souvenirs. À ces histoires d’amour qui nous ont construit, détruit, modifié.
Le très beau personnage de Martin qui sort peu à peu de sa coquille, retrouve le crayon, retrouve le goût des relations sociales. Les portraits justes, modernes, complexes, des habitants de son immeuble. Tous un peu en marge de la société, tous à se chercher une place, à espérer une vie meilleure.

Une romance contemporaine, sans pathos, sans niaiserie, avec des personnages auxquels on croit, et que l’on aime voir s’ouvrir doucement et de plus en plus.

Allary Éditions, 2019